Mon métier, le tatouage et l’illustration, consiste à raconter des histoires par le biais d’une seule image ou d’une série d’images. Au début quand j’étais très jeune, j’ai commencé à dessiner par simple amusement. Par la suite, je suis rentré en formation à l’école Emile Cohl juste après le lycée, et là, tout est devenu plus sérieux, plus structuré.
Le refus de rentrer dans le moule, ainsi que la possibilité de découvrir la vie, de ne pas être enfermé, m’a poussé à faire des études de dessin. Etudier et approfondir mes connaissances de ma passion, le dessin. C’est pour cela que je suis entré en « section papier » à l’école Emile Cohl en 1994. J’en suis sorti et j’ai obtenu mon diplôme en 1999.
J’ai eu la chance d’avoir des parents compréhensifs, ils m’ont soutenu dans mes choix et mes envies, même s’ils différaient parfois de leur propre vision du monde. C’est normal, il existe toujours beaucoup d’appréhension lorsque votre enfant choisit un « métier-passion ». Sa motivation doit être grande et il doit s’armer de patience car le chemin est long et il y a moyen de faire très facilement fausse route.
Je me suis dirigé vers le tatouage parce que j’étais très intéressé par ce média, puis petit à petit les choses ont glissé assez naturellement du papier vers la peau. Depuis, je fais des aller et retours quotidiens entre les deux.
Il faut du temps pour se faire un nom dans le milieu du tatouage, les choses ne se font pas d’un seul coup. Il faut du travail, de la persévérance pour faire sa place. « Au début a jailli une petite goutte puis la goutte est devenue flaque puis doucement elle commence à s’écouler, lentement, peut-être un jour cela fera un ruisseau, un fleuve puis pourquoi pas un océan ».
Pour devenir tatoueur, il faut beaucoup de passion, de curiosité, d’écoute. Je pense qu’il faut garder sans cesse les yeux et les oreilles ouvertes, se référer aux anciens et respecter leur enseignement sans essayer de calquer leurs travaux. Philippe Rivière, le directeur et fondateur de l’école Emile Cohl nous disait souvent, « on n’ est grand que sur les épaules de quelqu’un » ainsi que « il ne faut pas essayer de devenir de piètres artistes mais de bons artisans. »
Je me réfère souvent à ce que j’ai appris durant mes études et cela permet de me recentrer. Ce sont des balises à garder en tête quand on est un peu perdu, en gros s’inspirer sans copier mais hélas quand on voit la superficialité de ce milieu et la facilité qu’ont les tatoueurs et les artistes plus généralement de se copier les uns les autres je crois qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire. Aujourd’hui les choses vont très vite et il est plus facile de s’insérer dans un courant déjà bien en marche, alors comme toujours quand les feux des projecteurs sont allumés cela attire les gens qui aiment les paillettes et être dans la lumière.
Concernant l’apprentissage du dessin, le plus dur, je pense, est de raconter une histoire, il faut donc multiplier son vocabulaire, ce qui permet d’acquérir plus de facilités et de choix pour réussir à construire son propre récit.
Le tatouage m’a ouvert des portes, dans le sens où depuis dix années que je le pratique, il remplit ma vie, j’en porte les traces, les souvenirs ; il m’a permis de voyager, de rencontrer des gens de tous horizons, et tous tellement différents. Il m’apporte beaucoup et j’ai eu de la chance de croiser cette route-là.
Pour faire évoluer son style personnel il faut de la curiosité et se forger une culture vaste et solide, la documentation est primordiale, savoir comment fonctionnent les choses si on veut les retranscrire par l’image.
Le tatouage est un métier, et un art souvent mal vu, qui souffre d’une mauvaise réputation, cependant cette image est en train de changer. Je ne pense pas avoir réellement participé à ce changement, mais j’ai pris le train en marche en essayant d’y raccrocher quelques wagons et en ne restant pas simple passager. L’image du tatouage évolue, mais il reste beaucoup de travail.
Lors de mes études, mes attentes n’étaient pas si élevées qu’aujourd’hui. Je les ai largement dépassées. Maintenant, je ne saurais absolument pas dire sur combien de projets j’ai travaillé, probablement autant qu’il y a de jours. Sur la multitude des projets que j’ai réalisés, j’ai l’habitude de dire que celui qui me tient le plus à cœur, c’est le prochain !
Le point positif de mon métier est que je me lève tous les matins en faisant ce qui me plait, je n’ai personne au-dessus de ma tête pour me dicter une conduite et j’ai des gens autour de moi qui enrichissent mon quotidien et qui font confiance à mon travail et à mes choix, tout ça m’aide à être un homme heureux.
Je suis un homme heureux, et en ce qui concerne la rémunération, pour le tatouage, j’ai une grille horaire. Pour les illustrations, cela dépend du support, de la taille, et de la complexité. J’arrive à payer mes factures et j’ai un toit bien étanche au-dessus de ma tête pour l’hiver, mais je ne pense pas être très doué pour accumuler les billets sous mon oreiller, mais avec le temps j’apprends à défendre mon steak plus farouchement.
Si je devais donner un conseil aux personnes qui veulent suivre la même formation que moi, je leur conseillerais de ne pas brûler les étapes, garder la tête froide et s’armer de patience. A l’école certaines matières m’ont semblé chiantes quand je devais me lever le lundi matin pour faire du fusain ou de l’étude documentaire, mais j’ai perdu un temps énorme en faisant parfois des impasses. Une fois que j’ai voulu me renouveler et rattraper le coup ça m’a demandé deux fois plus d’efforts, je me suis dit que j’aurais mieux fait d’éteindre ma clope dans le jardin et de retourner au travail. Heureusement Philippe Rivière (fondateur et directeur de l’école Emile Cohl) veillait au grain et a fini par me faire rentrer tout ça dans la caboche….merci à lui.
Écoutez la chanson de Gabin « Je sais », quand on a la tête trop lourde le lundi matin, vous fera gagner un temps précieux au boulot car « le talent ça s’apprend …plein la gueule !!!!! »