Au départ, ce n’était pas vraiment une vocation. J’avais une dizaine d’années, j’aimais dessiner, j’adorais regarder les dessins animés, la télé en général. Je rêvais de devenir acteur. Je jouais à PONG ou à Mario sur Nintendo 64, des jeux en 2D à cette époque. Ces métiers me paraissaient inaccessibles.
Puis j’ai rencontré un passionné de bande dessinée au collège. Il n’arrêtait pas de dessiner pendant les cours. Je le regardais faire et je trouvais ça plutôt facile à reproduire. A partir de là, j’ai vraiment commencé à dessiner tous les soirs pendant des heures (après mes devoirs). Je créais des planches entières de personnages en mouvement, je recopiais tout un tas de photos ou de dessins trouvés dans la presse. Finalement je rattrapais le niveau de mon passionné de BD, mais la bande dessinée n’était pas vraiment mon truc. Mon truc c’était le dessin et surtout le dessin animé.
Sorti du collège je n’ai pas trouvé de formations liées aux métiers du dessin à part des BEP styliste, dessinateur en Génie civil ou dessinateur industriel. J’ai passé un BAC Technique mais avec toujours en tête l’idée de travailler dans le dessin « artistique »… le vrai ! Pendant ces années, j’ai continué à faire du dessin, de la musique, du théâtre. Je faisais des petits boulots d’affiches pour des associations, des mairies, des lotos. J’ai aussi illustré un petit bouquin qui racontait l’histoire de mon village.
Puis je suis allé aux portes ouvertes de l’école Emile Cohl pour montrer mes dessins à M. Rivière. Un grand moment de solitude lorsqu’au premier coup d’œil il me disait « ça c’est fait à partir d’une photo ». J’ai regardé les illustrations affichées sur les murs de l’école et je me souviens encore d’avoir dit à ma mère que jamais je n’arriverais à ce niveau de dessin. J’étais impressionné par tout ce que je voyais. Mais ça c’est bien passé puisque j’ai pu intégrer cette école.
Je suis actuellement Lead Animateur à la société ASOBO STUDIO.
A l’obtention de mon diplôme, j’ai été contacté par Jean Marie Nazaret, gérant de la société lyonnaise ETRANGES LIBELLULES (aujourd’hui ELB Games) et qui était également professeur d’infographie à Emile Cohl. En juillet 1994, j’ai commencé mon premier boulot d’infographiste dans le jeu vidéo sur la série Alone in The Dark. L’ordinateur avait de vrais avantages pour le dessin et surtout pour l’animation. J’ai fait de la modélisation de quelques personnages puis des animations Game play et des cinématiques. Voir ces personnages bouger a été pour moi une vraie révélation.
Ce métier consiste à reproduire, à partir d’un dessin, un personnage en 3D. Cela consiste à le construire en un minimum de face, le colorier (aujourd’hui nous appelons ça le « Mapping » ou le « Texturing ») et à lui poser un squelette (nous appelons ça le « Skin » et le « Character Setup ») qui serviront à le manipuler pour lui donner une attitude (nous appelons ça le « Posing »). Suivant une liste très précise des animations de chaque personnage, nous faisons des animations « IN GAME ».
Une animation d’une seconde peut prendre une demi-journée. Un personnage peut avoir 30 à 50 anims IN GAME. La fabrication d’un personnage peut prendre une journée voire deux sachant qu’un jeu peut avoir une dizaine et plus de personnages. Les cinématiques (animations avec mise en scène des personnages qui font la relation entre les différentes phases du jeu) peuvent prendre plusieurs jours.
Il y a un retour permanent entre les designers ou les scénaristes du jeu qui valident (ou pas) les animations ou les personnages du jeu ou des cinématiques. Je fais ces trois choses en suivant les priorités pendant que l’autre partie de l’équipe s’occupe des décors.
J’ai côtoyé les recherches graphiques des studios de production PIXAR qui nous font parvenir leurs designs de personnages, leurs scénarios, leurs décors . Cela a été FABULEUX !!! La production d’un jeu se rapproche de celle d’un film. C’était déjà le cas avant et ça l’est de plus en plus aujourd’hui. La taille des équipes, les techniques d’éclairage, de mise en scène, d’ambiances sonores, des décors de plus en plus gigantesques… Tous ces nouveaux paramètres sont à prendre en compte dans la réalisation d’un jeu. La seule différence est l’interactivité avec le joueur qui rajoute une dimension supplémentaire et donc une difficulté en termes de production.
La production d’un jeu vidéo demande de plus en plus de spécialistes dans des domaines bien particuliers. Aujourd’hui ,il n’est pas surprenant de faire appel à des réalisateurs de films ou des spécialistes de l’éclairage. Dans ce métier, on croise des talents en tout genre. En parallèle, les logiciels évoluent et demandent une mise à niveau permanente pour faire évoluer la production qui devient de plus en plus complexe. Des nouvelles consoles de plus en plus performantes arrivent sur le marché, affichant toujours plus de décors, de personnages (des kilomètres de décors, des armées entières).
Le jeu vidéo devient un vrai produit marketing au même titre que le film dont il est souvent tiré. Ils sont produits en simultané pour sortir quasiment à la même date.
Je dirais qu’il ne faut rien oublier du dessin quand on fait ce métier:
La base de tout ça c’est le dessin et l’observation !
J’ai commencé à travailler avec un salaire de 1200 ou 1300 euros. Et aujourd’hui je suis à 3500 euros brut.
« Le métier d’artiste, ça ne rapporte pas » disaient mes grands parents. Ce n’est plus le cas aujourd’hui à condition de quitter la peinture à l’huile et son trépied ! Aujourd’hui on passe par le support informatique pour beaucoup de choses et le dessin en fait partie. De plus en plus de métiers de « dessinateurs » se greffent au web, au jeu vidéo, au cinéma d’animation, à l’architecture, au design de la mode vestimentaire, au design d’objet. Le papier et le crayon quittent peu à peu notre bureau au profit d’une tablette graphique qui reproduit l’épaisseur du trait, la densité du crayon, la couleur…
Tout cela pour dire que le métier d’infographiste est obligatoire, si on veut faire un peu de dessin dans sa vie professionnelle. Certains de mes anciens collègues n’aimaient pas travailler sur l’ordinateur à l’école. Ils ont du faire une formation d’infographiste parce qu’ils se sont rendus compte que c’était l’option indispensable pour trouver du travail.
Oui il faut vivre de sa passion. Moi même je me voyais très mal faire autre chose que de l’art. Mais il faut faire des concessions, comme celle de rester derrière un écran 8 à 10 heures par jour, de recommencer la même chose jusqu’à ce que le client soit satisfait et de rester « aware » sur les évolutions techniques.
Je dirais que je retrouve pas mal de mes rêves d’ado dans ce métier : je voulais faire du cinéma, travailler dans l’animation. Ma spécialité se rapproche de tout ça en même temps.
Mon œuvre la plus laborieuse ? La production de 30 minutes de cinématiques pour le jeu WALL-E (Disney/Pixar) sur la console de jeu PS2 (Playstation 2). J’ai coaché et réalisé. Nous étions 4 ou 5 animateurs. Il ne fallait pas se louper.
Mon œuvre la plus réussie ? Je pense aujourd’hui à Ratatouille mais c’était surtout parce que ( pour la première fois) je travaillais avec une licence Pixar et je suis fan de Pixar. J’ai fait quelques cinématiques du jeu version PS2.
Encore un long avenir, même si aujourd’hui on parle de motion capture, je ne crois pas à la disparition de l’animateur dans le jeu vidéo.
Les jeux deviennent de plus en plus ambitieux, et les gens d’expérience sont de plus en plus recherchés. Ce n’était pas vraiment le cas avant. Moi même j’ai été formé sur le tas même si j’avais fait une option infographie à Emile Cohl. Aujourd’hui des centres de formations offrent des adaptations aux métiers de la 3D et du jeu vidéo. Qui dit projet ambitieux dit grosse équipe de production. Certaines équipes montent jusqu’à 200 personnes. Il faut du monde pour faire un jeu, il suffit de regarder les crédits.
De nouvelles consoles arrivent sur le marché, même les téléphones portables proposent leurs jeux à télécharger. Ces petites consoles ont quasiment la même capacité qu’une PS2, c’est dire l’évolution technique, la miniaturisation. Mais ce sont des jeux à faible investissement qui se font en très peu de temps, contrairement aux jeux consoles PS3 ou XBOX 360. Les façons de jouer changent aussi, le PAD (manette de jeu) disparaît peu à peu au profit de la détection par caméra ou infrarouge. Les jeux sont désormais téléchargeables depuis internet et bientôt depuis la télé de son salon.
La WII c’est déjà du passé. Plus besoin de manette pour jouer, on jouera avec ses bras, ses mains ou ses yeux grâce aux technologies de détection de mouvement. L’image en 3D relief commence son apparition dans les cinémas, dans nos BLU RAY, nos télés de salon et bientôt dans nos jeux. Là, je m’avance un peu mais on en parle déjà…
Donc oui un avenir prometteur !
Lorsque je me suis inscrit à l’école Emile Cohl, je ne savais pas quel métier j’allais exercer.
Un métier lié au dessin, oui, mais serait-il stable ? Ou devrais-je monter ma propre société ? Travailler dans la pub, dans les livres pour enfants, la BD… J’avais plusieurs pistes mais toutes incertaines et difficiles à creuser. L’ordinateur, l’infographie étaient plus d’actualité donc plus propice à une embauche. Je me suis posé beaucoup de questions pendant ces trois années à Emile Cohl, et le jour où Jean Marie Nazaret est venu nous montrer 3DESK et le personnage célèbre de Tintin qui marchait en temps réel sur l’ordinateur et qu’en même temps il faisait tourner la caméra autour du personnage, je me suis dit « OUI! » c’est ça que je veux faire ! Le jeu vidéo était en plein essor à cette époque. Un coup de chance pour notre génération.
Pour celui qui hésite encore ?